mardi 13 mars 2012

Je ne supporte pas de rester seul, pourquoi ?



Pour certains, solitude est synonyme de sérénité et de maturité. Pour d’autres, de tristesse et d’abandon… D’où vient cette inégalité face à la capacité d’être seul ?
La capacité à rester seul se construit dans l’enfance. Comme le rappelle Daniel Bailly, psychiatre, l’angoisse de séparation liée à l’absence de la mère est une donnée normale dans le développement de l’enfant. Elle présente un pic entre 8 et 11 mois, puis s’estompe. Normalement, vers 18 mois, l’enfant comprend que sa mère, même s’il ne la voit pas, continue d’exister et qu’elle va revenir. En attendant son retour, il se console en pensant à elle. A condition qu’il ait pu nouer avec sa mère, « suffisamment bonne », une relation solide et sécurisante.
Selon les psychanalystes, ceux qui vivent mal la solitude ont souvent souffert de carences affectives précoces : soit par une séparation réelle d’avec la mère, vécue comme un traumatisme (voyage professionnel, hospitalisation) ; soit que cette mère ait été présente physiquement mais psychiquement absente, car prise dans des pensées dépressives ou anxieuses. Le fait de se retrouver seul ravive alors la douleur de l’absence maternelle initiale. Ces adultes ont besoin que l’amour des autres leur soit rappelé physiquement pour y croire. En cas de blues, ils ne peuvent faire appel aux images intérieures bienveillantes de leurs parents, de leurs amis. Ils n’ont pas intériorisé le fait rassurant que l’on peut compter l’un pour l’autre, même séparé par les kilomètres.
Une relation difficile à la solitude peut être aussi liée à une phobie. « On se situe alors dans un registre névrotique moins invalidant », souligne le psychiatre Patrice Huerre. La difficulté à se retrouver seul est le résultat visible d’une autre peur qui n’est pas reconnue comme telle : la peur du silence, de l’obscurité, et surtout la peur de soi-même, de se retrouver face à son monde intérieur ! L’autre devient un objet « contraphobique », qui rassure et permet de lutter contre l’angoisse, l’équivalent d’un « anxiolytique » en somme ! En sa présence, on évite de penser à ce qui nous fait peur, à nos désirs, nos craintes, nos fantasmes, etc.
Elle peut aussi être liée à des peurs objectives, à un traumatisme réel, même mineur (avoir été suivi par un inconnu dans un parking, harcelé au téléphone, importuné dans le métro, etc.). Une personne qui a été agressée aura peur que cela se reproduise et ne pourra rester seule. En conclusion, chacun supporte plus ou moins bien la solitude, et il nous arrive à tous de fuir le face-à-face avec nous-mêmes en s’étourdissant de monde.
L’important est de pouvoir alterner moments de solitude et moments de dépendance : c’est ce qui signe la maturité affective.


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